Élection 2021: Ce que les principaux partis disent à propos de l’alimentation?


Depuis maintenant une décennie, le Réseau pour une alimentation durable analyse les programmes des principaux partis politiques en matière de sécurité alimentaire, de justice alimentaire, de saine alimentation et de systèmes alimentaires durables.  Collectivement, nous avons souligné l’importance de l’alimentation lors des élections fédérales par le biais de campagnes comme
Je mange donc je vote. De nombreux députés sont passionnés par ces questions, et des politiques prometteuses ont été annoncées ces dernières années, comme la Politique alimentaire pour le Canada. Voici quelques réflexions sur les plateformes de cette année.

 

Bonne nouvelle pour l’alimentation scolaire

Le Parti libéral s’est engagé à collaborer avec d’autres paliers de gouvernement « en vue de la création d’un programme national de repas nutritifs dans les écoles grâce à un investissement d’un milliard de dollars sur cinq ans ». Le NPD s’est également engagé à « établir un programme national de nutrition scolaire qui fournira à chaque enfant des aliments sains et des compétences en matière d’alimentation », et a alloué un milliard de dollars sur quatre ans dans sa plateforme chiffrée récemment publiée.  Le Bloc Québécois, dans une réponse écrite à une question le mois dernier, a soutenu un investissement fédéral dans les programmes alimentaires scolaires du Québec. Bien que la plateforme du Parti conservateur n’inclut pas l’alimentation scolaire, les gouvernements provinciaux conservateurs financent des programmes alimentaires scolaires. Le Parti vert a soutenu « l’augmentation de l’accès à des aliments sains… (et un) programme national de repas scolaires » dans sa plateforme de 2019, mais il n’en est pas question en 2021.

« Alors que les écoles rouvrent leurs portes, les 170+ membres de la Coalition pour une saine alimentation scolaire et les 30+ supporteurs dans toutes les régions du Canada s’attendent à des actions.  Il est temps que le Canada se joigne aux autres pays du G7 pour faire un investissement fédéral significatif et élaborer des normes appropriées pour la santé et le bien-être de tous les enfants et jeunes du Canada », a déclaré Debbie Field, coordinatrice de la Coalition pour une saine alimentation scolaire.

 

Un manque de cohérence autour de la sécurité alimentaire

Malgré le fait que l’insécurité alimentaire ait augmenté pendant la pandémie pour toucher un Canadien sur sept, aucun parti politique n’a proposé un ensemble de mesures cohérentes pour y mettre fin. Le Parti conservateur a annoncé une » stratégie de sécurité alimentaire « , mais son seul élément de politique consiste à réorienter » une partie des fonds fédéraux destinés à la recherche agricole vers des partenariats avec le secteur privé afin de mettre au point des méthodes permettant de faire pousser davantage de cultures au Canada toute l’année dans des serres « . Davantage de serres peut être une bonne chose, mais il ne s’agit pas d’une stratégie de sécurité alimentaire, car l’insécurité alimentaire ne découle pas de la disponibilité des aliments, mais plutôt de leur accès.

La position du Parti libéral présente de sérieux dangers. La sécurité alimentaire est enterrée dans la section sur la lutte contre le gaspillage alimentaire. Bien que le partenariat fédéral avec les organisations communautaires en sécurité alimentaire durant la pandémie ait été nécessaire, ce n’est pas en redirigeant les déchets alimentaires vers les foyers des Canadiens à faible revenu que le problème sera finalement résolu. Il faut tracer une ligne claire entre les efforts visant à réduire les pertes et le gaspillage alimentaire – une question qui relève de la chaîne d’approvisionnement – et les efforts visant à améliorer la sécurité alimentaire des ménages, qui vise principalement à réduire la pauvreté. De même, l’implication selon laquelle le financement des groupes communautaires garantira que » tous les Canadiens ont accès à une alimentation saine » est très inquiétante, car elle repose sur une approche caritative plutôt que sur une approche fondée sur les droits.

Le Parti vert propose une approche systémique de l’alimentation dans des sections détaillées sur l’agriculture et l’alimentation, ainsi que sur les pêches et les océans, en associant des engagements sociaux, économiques et environnementaux, et en défendant la souveraineté alimentaire (bien qu’il tombe également dans le piège consistant à associer le gaspillage alimentaire à l’insécurité alimentaire).

Bien sûr, la sécurité alimentaire des ménages et des communautés sera principalement affectée par les politiques fiscales, les aides au logement, les services de garde d’enfants, les mesures visant les inégalités systémiques, l’assurance-emploi, les réformes du code du travail et d’autres politiques économiques. Malgré l’intérêt croissant pour un revenu universel minimum de subsistance, seuls les Verts, qui se sont engagés à instaurer un revenu minimum garanti, et le NPD, qui s’est engagé à élargir les programmes de sécurité du revenu pour les personnes âgées et les personnes handicapées afin d’atteindre un jour un revenu minimum garanti, présentent des propositions de revenu de base. Il n’entre pas dans le cadre de cet article de donner un aperçu de toutes ces propositions de politiques économiques. Vous pouvez consulter des médias comme Macleans, Radio-Canada, et des groupes de réflexion comme le Centre canadien de politiques alternatives (CCPA), qui suivent les programmes sur une foule de questions.

 

Droit à l’alimentation et justice alimentaire

Aucun parti politique n’a endossé le droit à l’alimentation tel qu’il est inscrit dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ratifié par le Canada il y a 45 ans. En 2015, les libéraux fédéraux se sont engagés en faveur du droit à l’alimentation en réponse au questionnaire de notre campagne Je mange donc je vote.  Le Parti conservateur reconnaît » l’eau potable comme un droit humain fondamental « , mais le droit à l’alimentation n’est mentionné dans aucune des plateformes. Les libéraux réitèrent le droit au logement suite à des décennies d’activisme de la part des militants en la matière et les Verts s’engagent à en faire une réalité, tout en utilisant le langage des droits dans une série d’autres engagements.

Le racisme, le racisme anti-Noir et l’impact du colonialisme sur les peuples autochtones ont façonné nos systèmes alimentaires, si bien que les ménages noirs sont 3,5 fois plus touchés par l’insécurité alimentaire que les ménages blancs et que 50 % des membres des Premières nations vivant dans les réserves sont touchés par l’insécurité alimentaire. Aucune des plateformes des partis ne traite directement de la justice alimentaire. Les libéraux s’engagent à lutter contre le racisme systémique, incluent une déclaration des répercussions sur le genre et la diversité pour chaque engagement et annoncent un certain nombre de programmes ciblés. Le programme du NPD accorde beaucoup d’importance aux questions de racisme systémique, mais la reconnaissance de la souveraineté alimentaire des Autochtones est le seul lien explicite avec l’alimentation. Les Verts s’engagent à s’attaquer au racisme systémique qui affecte les groupes en quête d’équité, ainsi qu’à la restitution et à la réconciliation avec les peuples autochtones.

Plus de 75 000 travailleurs étrangers temporaires contribuent à mettre de la nourriture sur nos tables chaque année, souvent dans des conditions dangereuses. Le Parti libéral a répété son intention « d’élargir les voies d’accès à la résidence permanente » pour les travailleurs étrangers temporaires. Le NPD affirme qu’il devrait y avoir une voie pour qu’ils puissent rester de façon permanente. L’engagement des conservateurs est plus restrictif, s’appliquant seulement « tant qu’ils sont prêts à travailler dur, à contribuer à la croissance et à la productivité du Canada, et à renforcer notre démocratie ».  Le Bloc demande que le programme des travailleurs étrangers temporaires soit géré par le Québec. Les Verts proposent des voies plus accessibles pour la résidence permanente et des stratégies sûres pour les dénonciateurs.

 

Sécurité alimentaire des régions nordiques

La crise urgente de l’insécurité alimentaire dans le Nord du Canada devrait être une priorité absolue. Le NPD affirme qu’il “se battra pour la souveraineté alimentaire autochtone en travaillant en partenariat avec les communautés inuites, métisses et des Premières Nations, pour développer l’accès aux aliments sains, y compris les aliments traditionnels. En collaboration avec les collectivités du Nord, nous nous engageons à réformer le programme Nutrition Nord afin d’améliorer la sécurité alimentaire des familles qui y vivent”. 

Le Parti libéral s’engage à “poursuivre la collaboration avec les Inuits dans le but d’améliorer la sécurité alimentaire dans l’Inuit Nunangat, notamment grâce à la Subvention pour le soutien aux chasseurs-cueilleurs et en modifiant le programme Nutrition Nord pour le rendre plus transparent et plus sensible aux besoins des Inuits”. Les conservateurs s’engagent également à « améliorer » Nutrition Nord mais ne disent pas comment. 

Le programme Nutrition Nord, qui subventionne les détaillants du Nord pour réduire les coûts de transport, a fait l’objet de plusieurs examens critiques qui n’ont pas encore abouti à un changement fondamental ni réduit l’incidence de l’insécurité alimentaire aiguë dans les terres inuites.

Le Parti vert s’engage à améliorer la sécurité alimentaire dans les communautés du Nord grâce à l’agriculture arctique, aux serres, aux tours hydroponiques et à l’éducation en matière de nutrition et d’horticulture, ainsi qu’à une approche d’intendance des terres et des pêches.

Le Parti conservateur a un programme ambitieux en ce qui concerne les pêches. Ils s’engagent à “établir des pêches marines communautaires, ce qui aidera à créer des emplois et à lutter contre l’insécurité alimentaire locale et régionale”. 

Aucun des partis ne mentionne la Inuit Nunangat Food Security Strategy, un plan d’action visionnaire et bien documenté publié plus tôt cette année.  Sur le thème de la nutrition dans le Nord, par exemple, il appelle à une réforme « en partenariat avec les Inuits dans un programme conçu pour s’attaquer aux facteurs de l’insécurité alimentaire et faire respecter le droit à une alimentation adéquate « . P. 33, en anglais). 

Le NPD est le seul parti à mentionner la souveraineté alimentaire autochtone, reconnaissant que “les peuples autochtones ont des liens étroits avec leurs terres, leurs territoires et leurs ressources, et en assurent l’intendance depuis des temps immémoriaux. Ils sont les mieux placés pour protéger la diversité culturelle et biologique en contrôlant leur territoire : ainsi, la reconnaissance des droits inhérents, des titres et des droits issus de traités sera au cœur de nos projets”. Cela s’applique au changement climatique, ainsi qu’à la protection et à la restauration du saumon sauvage du Pacifique sur la côte ouest. 

 

Qu’en est-il de l’agriculture durable?

L’agriculture ne reçoit jamais vraiment l’attention qu’elle mérite pendant les élections, mais tous les partis ont annoncé des politiques agricoles. Elles ne sont pas de nature à satisfaire les personnes qui suivent de près la politique agricole et qui sont à la recherche d’idées novatrices pour faire face aux nouveaux défis du secteur.  La Fédération canadienne de l’agriculture parraine un débat multipartite le 9 septembre avec les leaders en matière d’agriculture de chaque parti. 

Toutes les parties s’engagent à soutenir la gestion de l’offre et à indemniser les producteurs de volaille, de lait et d’œufs pour les conséquences de la libéralisation du commerce. Le diable, bien sûr, est dans les détails de cette compensation. Les Verts ajoutent que la production à petite échelle pour les marchés locaux devrait pouvoir fonctionner en dehors de ce système.

Les libéraux et les conservateurs s’engagent à réformer la gestion des risques commerciaux (GRC) pour les agriculteurs, un ensemble complexe de programmes destinés à réduire les risques et les pertes financières des producteurs.  Les conservateurs demandent la tenue d’un sommet avec le ministre pour définir comment réformer la GRC, tandis que les libéraux intègrent les impacts climatiques imprévisibles auxquels les agriculteurs sont confrontés dans les programmes de GRC et dans une stratégie nationale d’adaptation qui sera finalisée d’ici 2022. Le NPD appelle à une stratégie nationale de crise et à un nouveau Corps civil pour le climat pour aider à entreprendre le travail nécessaire à l’adaptation au changement climatique.  Le NPD appelle également à une stratégie alimentaire canadienne (sans expliquer en quoi cela diffère de la politique alimentaire pour le Canada adoptée en 2019).

Comme indiqué plus haut, le Parti vert adopte une approche systémique de l’agriculture et de l’alimentation. Parallèlement à un large éventail de mesures visant à réduire l’impact de l’agriculture industrielle sur les changements climatiques et à accroître les avantages pour les agriculteurs, les travailleurs et les consommateurs, ils cherchent à remplacer 30 % des importations alimentaires par une agriculture domestique. 

Les programmes des libéraux, des bloquistes et des verts mentionnent les pesticides, reflétant sans doute l’importance du débat sur les niveaux de glyphosate au Québec.  Les libéraux ont promis de réformer la Loi sur les produits antiparasitaires en renforçant le pouvoir des scientifiques indépendants et la transparence — une mesure attendue depuis longtemps.  Le Bloc propose une enquête publique sur les liens entre les multinationales du secteur des pesticides, comme Syngenta et Bayer-Monsanto, et Santé Canada, ainsi que l’élimination progressive des néonicotinoïdes et un investissement de 300 millions de dollars pour trouver des solutions de rechange.  La seule référence aux intrants synthétiques dans la plate-forme conservatrice est le programme 4R Nutrient Stewardship promu par Fertilizer Canada. 

Les libéraux et les conservateurs ont tous deux des sections sur les « solutions climatiques naturelles » et les Verts veulent augmenter le financement des solutions naturelles pour les terres et les océans.  Les conservateurs promettent d’investir 3 milliards de dollars d’ici 2030 en mettant l’accent sur la séquestration du carbone et les compensations. Les libéraux, quant à eux, réitèrent leur engagement envers les pratiques de santé des sols déjà annoncées dans le cadre d’un plan d’agriculture verte pour le Canada dans le budget 2021.

 

Alimentation saine

Il est bon de voir que les libéraux ont promis de réintroduire de nouvelles restrictions sur la promotion des aliments et des boissons auprès des enfants et d’introduire l’étiquetage sur le devant des emballages pour encourager les choix alimentaires sains. L’industrie s’était massivement opposée à ces initiatives alors que les organisations de santé, d’éducation et de consommateurs ont toutes plaidé en faveur de ces mesures qui sont considérées dans le monde entier comme des initiatives importantes.

L’approche systémique de l’alimentation adoptée par les Verts préconise une alimentation saine selon le Guide alimentaire canadien, et s’engage à imposer une taxe de 10 % sur les boissons sucrées ainsi qu’à interdire leur publicité auprès des mineurs.

La santé et la réforme des soins de santé sont toujours des sujets importants dans les campagnes électorales.  Mais à part l’approche holistique des Verts et la proposition ci-dessus du Parti libéral, on ne reconnaît pas que nos choix alimentaires, nos environnements alimentaires et notre système alimentaire sont des facteurs déterminants de notre santé. On pourrait penser qu’étant donné que les impacts de la pandémie sont beaucoup plus graves sur les personnes atteintes de maladies chroniques, l’alimentation en tant que déterminant clé de la santé serait plus importante dans l’agenda public.  

 

Et ensuite ?

Les élections sont l’occasion de faire savoir à nos politiciens que nous nous préoccupons de la provenance de nos aliments, des personnes qui n’ont pas accès à des options saines et durables, et de la manière dont nous protégeons les agriculteurs et les travailleurs qui produisent nos aliments.  Voici quelques exemples de ce que vous pouvez faire : 

  • Posez des questions sur la nourriture lorsque vos candidats frappent à votre porte
  • Assistez aux débats entre tous les candidats et demandez-leur quelles mesures spécifiques ils ont l’intention de prendre sur certaines des questions soulevées dans ce blog.
  • Organisez ou assistez à un événement Je mange donc je vote ou à une activité similaire dans votre communauté. 

 

Nous avons examiné les programmes des partis publiés au début du mois de septembre 2021 :

Sources supplémentaires citées :