L’insécurité alimentaire au menu de la campagne électorale

Par François Pays, Coordonnateur de la Table de Concertation sur la Faim et le Développement Social de l’Outaouais

Cette année, la Table de Concertation sur la Faim et le Développement Social en Outaouais (TCFDSO) s’est engagée dans la campagne non partisane Je mange donc je vote, coordonnée par le Réseau pour une alimentation durable, qui présente des événements d’un océan à l’autre, encourageant les communautés à dialoguer avec leurs candidat.e.s aux élections fédérales sur les moyens d’améliorer notre système alimentaire.

À cette occasion, la TCFDSO a invité les différents partis à répondre à quelques questions ciblées, nous avons cherché à obtenir des points de vue diversifiés, tant au niveau des partis que des circonscriptions de l’Outaouais. Pour rappel, l’Outaouais compte 4 circonscriptions, dont deux plus urbaines Hull-Aylmer et Gatineau et deux plus rurales, Pontiac et Argenteuil-Petite-Nation.

Nous avons donc échangé avec les candidat.es sur l’alimentation, la sécurité alimentaire, les droits des travailleurs et travailleuses, la souveraineté alimentaire du Québec et des Peuples Autochtones…autant de questions centrales auxquelles il est grand temps de trouver des réponses concrètes.

Sur les cinq partis principaux présentant des candidatures en Outaouais, seuls trois ont répondu à notre invitation, à savoir le Parti Conservateur, le Parti Vert et le Bloc Québécois. Le parti libéral, contacté dans deux circonscriptions différentes, à indiqué être débordé par les demandes de presse et préparer une réponse écrite, en cas de réponse ultérieure à sa publication, cet article sera amendé. Le Nouveau Parti Démocratique, contacté dans trois circonscriptions différentes, n’a pas répondu à nos invitations.

Le Parti Conservateur était représenté dans cet exercice par Mme Sandrine Perion, candidate dans la circonscription de Hull-Aylmer.

Mme Perion a souligné son expérience dans le milieu communautaire québécois, en particulier dans le domaine du développement social dans le quartier montréalais de St Henri. Interrogée sur les enjeux de sécurité alimentaire, elle indique le besoin de bien comprendre les conditions économiques d’aggravation de l’accès à une saine alimentation et partout au Canada. Le programme du Parti Conservateur vise en effet à éviter une crise économique et les politiques d’austérité qui l’accompagneraient. L’actuelle inflation des prix à un impact démesuré sur les dépenses en alimentation et touche en particulier les populations les plus pauvres et menacerait à terme l’ensemble de la classe moyenne et certaines populations comme les aînés. À ce titre, l’insécurité alimentaire et l’augmentation rapide des dépenses alimentaires constituent pour le Parti Conservateur les signes avant-coureurs d’une dégradation économique qu’il s’agit de stopper. Le Parti Conservateur met par exemple de l’avant des mesures fiscales comme des indemnités pour les employé.es ainsi que des allégements de taxe pour favoriser la reprise économique et l’embauche dans les domaines comme l’agro-alimentaire ou la restauration.

Le Bloc Québécois nous a répondu par l’intermédiaire de M. Simon Provost, candidat dans Hull Aylmer.

En premier lieu, le candidat souligne que les questions d’alimentation ne relèvent que partiellement des compétences du gouvernement fédéral, le Bloc Québécois milite pour un renforcement des compétences provinciales pour administrer au mieux les questions d’alimentation et de sécurité alimentaire. Le Bloc Québécois s’est historiquement positionné sur la scène politique fédérale pour réformer le modèle agricole dominant et restreindre l’usage des pesticides dans l’agriculture conventionnelle au Canada, le récent scandale sur l’augmentation des seuils de pesticide des autorités en faisant foi. Le traitement des dossiers d’immigrations temporaires dans le secteur agricole est un autre domaine sur lequel le gouvernement provincial devrait exercer un contrôle plus important afin d’éviter les situations d’exploitation. Le Bloc Québécois encourage par ailleurs un renforcement des logiques de consommation plus locales dans une recherche de souveraineté alimentaire. Cette notion de souveraineté alimentaire renvoi au besoin de favoriser les productions locales et de diminuer l’impact environnemental du système agro-alimentaire actuel. L’importance de conserver un réseau alimentaire proprement québécois s’est illustrée en particulier lors des différents mouvements de grève et les fermetures partielles des abattoirs lors de la pandémie. En diversifiant les infrastructures au profit de réseaux de proximité, la souveraineté alimentaire augmenterait la résilience du Québec sur le plan alimentaire et limiterait les souffrances animales liées aux transports de bétail.

Cette souveraineté alimentaire passe aussi par une démarche de compensation des exploitations agricoles vis-à-vis des pertes enregistrées dans le cadre des accords internationaux de libre-échange et sur les entorses ainsi infligées à la gestion de l’offre au Québec. Selon M. Provost, le Bloc Québécois, en tant que formation politique souverainiste, est particulièrement disposé à faire évoluer les relations avec les Peuples-Autochtones pour favoriser leur propre souveraineté alimentaire.

Le Parti Vert du Canada s’est investi dans l’exercice par l’intermédiaire de MM. Simon Gnocchini-Messier et Saughn McArthur, respectivement candidats dans Hull-Aylmer et dans le Pontiac.

En premier lieu, le Parti Vert mentionne son engagement pour un revenu minimum garanti pour couvrir les besoins de base de l’ensemble de la population. Les dépenses d’alimentation prennent une place toujours plus importante dans le budget des Cannadienn.es et sont au premier plan dans les déterminants sociaux de la Santé. Loin d’être un gouffre financier, le revenu minimum garanti offre une occasion de réviser des différents programmes sociaux pour offrir une aide plus efficace et moins coûteuse. Outre cette proposition, le Parti Vert avance l’idée de bons alimentaires mis en place en partenariat avec les gouvernements provinciaux et les municipalités pour favoriser les achats locaux et les productions agricoles de proximité. Le Parti Vert cherche à valoriser les initiatives de consommation locale comme les paniers des regroupements de fermes et à valoriser un modèle de production plus respectueux de l’environnement (infrastructures, pesticides etc.). Pour les candidats, ce renforcement des habitudes de consommation locale doit s’accompagner d’une réforme des règles d’immigration dans le domaine agricole pour offrir un système plus protecteur aux immigrant.es. Le Parti Vert vise à renforcer les logiques d’autonomie alimentaire locale en promouvant et supportant les initiatives communautaires et en renforçant les incitatifs à la production dans les régions les plus isolées et nordiques. Le Parti Vert insiste en particulier sur la reconnaissance des modèles autochtones de protection du territoire et de ses ressources par la mise en place de zones de protection naturelles gérées par les groupes autochtones et la stricte application des recommandations du rapport Vérité et Réconciliation, notamment dans le secteur de la souveraineté alimentaire. Cette reconnaissance des savoirs traditionnels doit permettre de diminuer les polluants dans les aliments des Peuples Autochtones mais aussi de l’ensemble de la population canadienne.